lundi 22 octobre 2012
L’intégralité du propos liminaire du ministre de la Communication lors de son point de presse de vendredi dernier.
« Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie d’avoir bien voulu répondre spontanément à cette invitation.
Comme vous le savez certainement tous, le 15 octobre 2012, trois Organisations Non Gouvernementale respectivement dénommées PEN International. Committee to protect Journalists et Internet Sans Frontière ont adressé au Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies un rapport incendiaire, dans lequel il est explicitement mentionné que la liberté d’expression est en danger au Cameroun.
Les informations recueillies au niveau du Gouvernement suite à cette accusation font état de ce que l’audition du Cameroun par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies aura lieu en avril et mai 2013. De l’exégèse de ce rapport il ressort un certain nombre de points qu’il me parait utile, dans une démarche contradictoire fondé sur des arguments objectifs, vérifiables et donc incontestables, d’examiner l’un après l’autre.
Il est en effet question, à l’intention de l’opinion nationale et internationale, d’apporter des éléments de réponse sur sept principales accusations relatives :
– aux risques auxquels seraient exposés les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions au Cameroun ; - aux lois qui réprimanderaient les écrivains et les journalistes en raison de leur travail en autorisant à leur encontre des détentions provisoires de longue durée et des actes de torture dans des prisons surpeuplées ; au péril qui guetterait les écrivains qui expriment des opinions dissidentes ;
– à la question du coût prohibitif des licences audiovisuelles qui limiterait la liberté de la presse ;
– aux menaces à l’encontre des journalistes qui enquêteraient sur la corruption ou sur d’autres questions à caractère politique ;
– à la nature prétendument liberticide de la loi camerounaise sur la cybercriminalité ;
– et à la faiblesse du taux d’accessibilité des Camerounais à internet.
S’agissant des risques auxquels seraient exposés les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions au Cameroun.
L’on peut observer à travers l’évolution institutionnelle des médias dans notre pays que de la phase des années post-indépendances à nos jours, le journalisme a connu une mutation considérable. Une telle dynamique s’est réalisée dans une approche dialectique consistant en la prise en compte de l’importance de ce métier pour l’ériger en levier indispensable de la réalisation sociale, tout en l’arrimant progressivement aux standards modernes des communautés contemporaines.
C’est dans cet esprit que le Cameroun a ratifié et reste engagé à adhérer à un certain nombre d’instruments juridiques internationaux visant tous à assurer la protection et la facilitation du travail du journaliste, telles que : - l’Accord de Beyrouth du 10 décembre 1948, dont l’objet principal est de faciliter la circulation internationale du matériel visuel et auditif à caractère éducatif, scientifique et cultuel ;
– l’Accord de Florence de 1950, qui se rapporte à une protection de la fonction journalistique à travers la consécration d’avantages fiscaux et d’exemptions douanières
– son protocole additionnel signé à Nairobi le 26 novembre 1976, plus spécifique aux facilités liées à l’acquisition des intrants de presse ;
– la Convention Douanière relative à l’importation temporaire du matériel professionnel, conclue à Bruxelles le 08 juin 1961 ;
– le Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
Au plan interne, la protection juridique du journaliste dans l’exercice de ses fonctions se fonde sur de nombreux textes législatifs et réglementaires dont les plus importants sont :
– la loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la communication sociale, qui a abrogé le modèle liberticide instauré après l’indépendance par la loi n° 66/ lit 121 du 21 décembre 1966, en consacrant de manière non équivoque le principe de la liberté de communication sociale et en marquant une rupture profonde par rapport à l’ordre ancien, fondé sur l’autoritarisme ;
– la loi n° 96/04 du 04 janvier 1996 modifiant et complétant certaines dispositions de celle du 19 décembre 1990, qui a abrogé la censure à priori sur les organes de presse ;
– le décret n°2000/158 du 03 avril 2000 fixant les conditions et les modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle ;
– l’arrêté n° 2002/2170/PM du 09 décembre 2002 fixant les modalités de délivrance de la carte de presse, qui dispose notamment que les titulaires de la carte de presse ou de la lettre d’accréditation bénéficient des dispositions particulières prises par les pouvoirs publics tels que l’accès aux sources d’information, et en cas de nécessité, l’assistance et la protection des forces chargées du maintien de l’ordre.
A la faveur de cette consécration textuelle de la protection de la liberté de la presse et partant, du journaliste dans l’exercice de sa profession, il s’observe de manière évidente que les médias camerounais se sont substantiellement émancipés avec l’émergence d’une culture de la liberté qui, dans certaines situations, se retrouve aux confins de la permissivité.
Dans cette même logique, la liberté associative s’exprime en toute garantie, à travers l’action d’un nombre considérable de syndicats et d’autres associations professionnelles, reconnus, et pris en compte par les pouvoirs publics. A ce titre, les différents textes réglementaires mentionnant la représentation des professionnels dans les instances consultatives de régulation du secteur médiatique exigent que, ces derniers soient élus au sein d’associations socioprofessionnelles régulièrement constituées.
Sur la base de ces considérations objectives, les meilleurs spécialistes de l’histoire des médias camerounais, relayés par des auteurs plus récents, reconnaissent unanimement que de 1884 à nos jours, aucun régime administratif ou politique n’a oeuvré à la consolidation de la liberté de la presse et du pluralisme médiatique au Cameroun autant que celui du Renouveau national.
Cette politique promotrice et protectrice de la liberté a conduit à un véritable foisonnement médiatiques et à une liberté de ton révélateurs de l’Etat de droit dont les statistiques sont forts expressives. Puisque l’on compte aujourd’hui environ 500 organes de presse privés à périodicité diversifiée, une centaine de stations de radiodiffusion sonores, 17 chaines de télévision et au moins 05 organes de presse cybernétique.
Ces différents médias exercent librement sous la protection des textes qui en régissent le fonctionnement , et sous réserve du respect de la légalité républicaine, sans aucun empiétement des pouvoirs publics qui, tout au contraire, oeuvrent dans le sens de l’émergence de véritables entreprises de presse au Cameroun, convaincus de contribuer de cette manière à l’élaboration d’un cadre professionnel idoine pour la protection du métier de journaliste.
C’est dans cet esprit que les pouvoirs publics ont soutenu les négociations qui ont abouti le 12 novembre 2008 à la signature de la Convention collective des journalistes et des métiers connexes, convention qui constitue désormais un cadre contractuel approprié pour la protection de l’activité, du traitement et de la carrière des professionnels des médias.
Dans le même sens, l’on peut citer l’appui matériel de l’État aux médias à travers une dotation annuelle d’au moins 150 millions de francs CFA qui, loin de constituer une forme de caporalisation des rédactions, a plutôt vocation à contribuer à la pérennisation des entreprises médiatiques souvent caractérisées par une précarité primaire.
A propos des lois qui réprimeraient les écrivains et les journalistes en raison de leur travail en autorisant à leur encontre des détentions provisoires de longue durée et des actes de torture dans des prisons surpeuplées,
Il convient plutôt de mentionner pour s’en féliciter, que la législation camerounaise en matière de communication Sociale est avant-gardiste, notamment sur la question de la dépénalisation des délits de presse.
En effet, si la loi pénale camerounaise réprime les délits de droit commun par des peines d’emprisonnement, même lorsqu’ils sont commis par voix de presse aucune confusion ne doit être entretenue entre ces délits de droit commun et les délits de presse. Cette dernière catégorie, aux termes de la loi du 19 décembre 1990 relative à la liberté de la communication sociale et de l’ensemble des textes subséquents n’est guère passible de peines privatives de liberté.
A la suite de cet éclairage, l’on peut observer en le regrettant, que certains citoyens ordinaires, journalistes de profession, se trouvent de temps en temps en situation de détention dans nos prisons, consécutivement à des accusations fondées sur des fautes de droit commun, réprimées par la loi pénale.
Mais, si l’on établit la distinction juridique entre la faute de service commise dans le cadre des canons professionnels qui régissent le métier de journaliste et la faute personnelle, détachable de ce cadre homologué de service, l’on comprendra mieux, en séparant ainsi le délit de droit commun du délit de presse, qu’aucun journaliste ne se trouve à ce jour emprisonné au Cameroun pour cause de l’exercice normal de sa fonction.
Parlant de la torture, il y a lieu de préciser que notre code pénal, en son article 132, réprime formellement cette pratique.
Au demeurant, il convient, comme dans tous les pays du monde, de faire la distinction entre la règle généralement appliquée et les cas rares de dysfonctionnements provenant de certains fonctionnaires des forces de l’ordre ou de l’administration pénitentiaire, qui sont d’ailleurs systématiquement sanctionnés.
Dans le cas de cette dernière institution, l’on reconnaîtra sans fioriture que les conditions de détention dans notre pays sont à améliorer. Cette préoccupation est bien inscrite parmi les actions prioritaires des pouvoirs publics, qui doivent toutefois en même temps établir des priorités dans la réalisation de leurs fonctions d’intérêt général visant à l’amélioration des conditions de vie des populations.
Par ailleurs, parlant des cas de détentions de longue durée, l’article 221 de notre code de procédure pénale précise les conditions et les limites de la durée de la détention provisoire, en mentionnant les modalités exceptionnelles de sa prorogation.
Au sujet du péril qui guetterait les écrivains exprimant des opinions dissidentes, une telle allégation tombe à l’évidence sous le sens.
En effet, notre loi fondamentale proclame dans son préambule que l’être humain, sans distinction de race, de religion, de sexe, de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés.
La Constitution du Cameroun, qui consacre la liberté de communication, d’expression et de presse, affirme l’attachement de notre pays aux droits fondamentaux. Elle précise par exemple que « nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances, sous réserve du respect de l’ordre public et des bonnes mœurs ».
Dès lors, toute personne, écrivain ou journaliste est libre d’exprimer ses opinions sans aucune inquiétude au Cameroun.
De la même manière, tout Camerounais peut librement adhérer à l’association, au syndicat ou au parti politique de son choix.
Quant à la question du coût prohibitif des licences audiovisuelles qui limiterait la liberté de la presse,
L’on peut dire que la création d’un organe de communication audiovisuelle relève, au Cameroun comme ailleurs, d’une démarche complexe qui doit respecter les conditions réglementaires en vigueur. Ces conditions sont généralement fonction de la rareté des fréquences disponibles et de la nécessité pour les pouvoirs publics de veiller à la protection de l’ordre public.
Ceci étant dit, vous remarquerez qu’au Cameroun, en dépit de l’obligation faite aux organes médiatiques de souscrire à la condition préalable d’obtention de la licence avant toute diffusion, sur 17 télévisions, plus de 100 radios et 500 entreprises de télédistribution, seules 04 structures détiennent des licences délivrées par les pouvoirs publics, après s’être conformées aux conditions réglementaires, notamment au paiement au Trésor Public des frais qui varient en fonction du rayon de diffusion et du caractère commercial ou non de l’entreprise concernée.
Vous aurez donc ainsi constaté que la quasi-totalité des entreprises du secteur audiovisuel fonctionnent dans l’illégalité, sans s’être acquittées des conditions financières préalables à leur création et à leur exploitation. Mais dans son souci de promotion de la liberté d’expression, l’Etat a pris l’option de ne guère empêcher le fonctionnement desdites structures, auxquelles la possibilité est donnée de régulariser leur situation.
Pour ce qui est des menaces à l’encontre des journalistes qui enquêteraient sur la corruption ou sur d’autres sujets à caractère dit politique,
Les observateurs de la vie politique au Cameroun sont unanimes sur le fait que chaque matin, un tour d’horizon des différents kiosques révèle une production journalistique d’un ton qui déborde le plus souvent les limites des canons professionnels et déontologiques.
La variété des titres qui traitent indifféremment des faits divers, des questions de société ou des dossiers politiques montre à suffisance qu’aucune censure n’est exercée sur les publications concernées.
Toutefois, il y a lieu de relever que comme pour tout autre métier, le journalisme n’est pas un passe-droit. Le devoir d’investigation n’est guère synonyme de droit d’intrusion dans la vie privée des personnes. Le droit d’informer ne doit guère se confondre avec une permission de diffamer, d’injurier, de calomnier ou de propager de fausses informations, notamment pour des cas concernant parfois des affaires en cours de traitement dans les tribunaux, et qui nécessitent que soit, à chaque fois, respecté le principe de l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis de toute influence extérieure.
S’agissant de la nature prétendument liberticide de la loi camerounaise sur la cybercriminalité.
Précisons que la loi n° 2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la cyber sécurité et à la cybercriminalité constitue un instrument juridique qui arrime le Cameroun aux standards des grands systèmes démocratiques contemporains. Elle ne limite en aucune de ses dispositions la liberté d’expression, toute chose qui serait d’ailleurs contraire aux dispositions constitutionnelles. Tout au contraire, elle protège les droits fondamentaux des personnes physiques, notamment le droit à la dignité humaine, à l’honneur et au respect de la vie privée, ainsi que les intérêts légitimes des personnes morales. Ainsi, en procédant à l’organisation et à la sécurisation des droits fondamentaux des personnes sur l’espace cybernétique, elle assure la promotion de la liberté d’expression et de communication dans le cadre des modalités qui en permettent un parfait épanouissement pour tous.
Sur l’accusation relative à la faiblesse du taux d’accessibilité des Camerounais à Internet,
Il s’agit sur ce point également, d’une allégation qui ne résiste pas à la réalité des chiffres :
Les efforts déployés depuis un certain temps par les pouvoirs publics pour faciliter l’accès des citoyens à internet ont à ce jour conduit à des résultats encourageants.
Notre pays compte actuellement 1000 Km de fibre optique opérationnelle.
Dans le même domaine, le Gouvernement vient d’appuyer un programme de 3200 Km pour assurer la couverture entière des Chefs-lieux de Régions, et dans une proportion considérable, celle des Chefs-lieux de Départements et d’Arrondissements.
De plus, un projet ambitieux est en cours concernant les foyers, en vue de l’augmentation de la possibilité d’accès à Internet Haut débit.
Mesdames et Messieurs,
Vous aurez bien compris au terme de mon propos, que toutes ces allégations, à l’évidence contraires à la vérité des faits, constituent un épisode nouveau dans la stratégie inavouée des ennemies du Cameroun, qui se comptent malheureusement parmi certains de ses fils, qui semblent en définitive avoir prêté le serment occulte d’oeuvrer à la déstabilisation de notre pays par tous les moyens en leur possession.
Mais à tous ces sicaires embusqués, le peuple camerounais, comme de coutume, répondra par sa détermination inébranlable à veiller à la protection de nos valeurs nationales inoxydables que sont la paix, l’unité nationale et la stabilité des institutions, valeurs essentielles qui sous-tendent notre marche résolue vers la modernité et la prospérité économique, à travers les Grandes Réalisations des projets structurants sous la haute conduite du Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Paul BIYA.
Je vous remercie. »