dimanche 13 mars 2011
Parce que la Can (coupe d’Afrique des nations) avait quelque peu perdu de sa vocation première, elle avait commencé à nourrir quelques intrigues et autres commentaires peu lénifiants. La Can était devenue plus une affaire de “ pro ” qu’un rassemblement des talents locaux authentiques pour ce qui est la plus importante et la plus grande manifestation sportive du continent. La Can avait achevé d’être embrigadée par nos footballeurs de la diaspora, n’admettant plus ou que très peu les footballeurs du terroir. Cela commençait à être perçu comme une injustice. Cela se ressentait déjà comme une frustration chez nos fiers amateurs, réduits désormais à un rôle de porteur d’eau dans une compétition qui naguère permit à la quasi-totalité de nos footballeurs de se mettre en pleine lumière, sous les feux des projecteurs internationaux.
C’est à l’occasion de la coupe d’Afrique des nations qu’ont en effet été révélées au monde la plupart des têtes couronnées du football africain. Chose devenue de moins en moins possible, au fur et à mesure que les années ont passé. Et, conscient de cet état de chose, Issa Hayatou a pensé qu’il fallait en quelque sorte réparer l’impair. Afin de redonner confiance et leurs chances aux footballeurs du terroir. Le projet de la mise sur pied dès 2009 du Chan (championnat d’Afrique des nations) sera donc perçu comme une partition on ne peut plus significative dans le processus d’une promotion beaucoup plus accrue des valeurs du football africain. Il trouvera aussi l’assentiment populaire. Mais il se trouvera aussi pourtant des incrédules invétérés et à la critique facile-dont quelque ancien et non moins célèbre footballeur pour dire que la Caf allait droit dans le mur et que une telle initiative était du pur gâchis. Le temps aura fixé les uns et les autres sur la réalité. Et renvoyé à la face de quelques indécis la monstrueuse pensée, ce d’autant plus que le Chan, après seulement deux éditions, se pose comme le baromètre incontournable, l’instrument de mesure du niveau réel du football africain.
Nos footballeurs amateurs ne devront plus pâlir et se faire du mauvais sang par rapport à la Can. Ils se trouvent aujourd’hui dotés d’un cadre propice pour l’expression entière de leur talent. Et leur mise à niveau nécessaire. Car il faut bien le dire, nombre de championnats nationaux, parce que structurellement peu viables, ne sont pas à mesure de produire les équipes compétitives au plan continental. Le championnat du Cameroun, la “ Mtn elite one ”, est un cas typique. Il est, je veux être courtois, l’un des moins relevés sur le continent. Depuis trois décennies, aucun club camerounais n’est plus parvenu à se hisser au sommet de la hiérarchie continentale, aussi bien en ligue des champions qu’en coupe de la Caf. Les derniers sacres de l’histoire des clubs camerounais se situent en 1980 pour Canon et 1981 pour Union. Et avant eux Oryx et Tonnerre. La combinaison des éléments constitutifs de ces équipes engendrait une sélection nationale absolument performante. Canon et Union furent même “ décrétés ” champions d’Afrique toutes catégories, parce que ces clubs s’imposèrent de toute leur classe et indifféremment dans toutes les compétitions continentales de clubs (“ coupe des champions ” “ coupe des vainqueurs de coupe ”). Les succès des clubs camerounais au plan continental tenaient d’une certaine rationalité-tout au moins-au plan de la gestion des joueurs, par des dirigeants charismatiques. Ceux-ci évoluaient plusieurs saisons (5-6-7 ans) ensemble. Il pouvait ainsi naître des automatismes au sein des clubs qui, ajoutés au talent incommensurable des joueurs, leur donnaient les allures de véritables machines une fois sur le champ du jeu. C’était un régal de regarder jouer le Canon de Théophile Abéga, l’Oryx de Jean-Pierre Tokoto, l’Union de Norbert Owona, le Tonnerre de Roger Milla, pour ne parler que des clubs qui s’imposèrent au plan continental.
Aujourd’hui, l’exode sauvage des joueurs, attirés par l’appât du gain, a certes des conséquences fâcheuses sur le niveau compétitif du championnat, mais les autorités du football camerounais auraient pu trouver, pour peu qu’ils le veuillent ou qu’ils soient un tout petit peu lucides, une solution alternative. En portant dans les textes organiques de la fédération qu’un joueur ne saurait solliciter d’aller évoluer hors du pays qu’en y ayant évolué pendant 4 – 5 ans au moins, par exemple. Une telle disposition pourrait permettre entre autre à nos clubs de se doter d’assises techniques conséquentes dont ils ne peuvent disposer en l’état aujourd’hui. D’un. La création d’un club devrait faire l’objet d’un cahier de charges à honorer coûte que coûte. Pour qu’on ne se retrouve pas avec des équipes sans aucune base structurelle. Nos clubs, la quasi totalité, ne dispose pas du moindre espace d’entraînement, moins encore de terrain de jeu. De deux. Le football nord-africain structurellement bien loti, avait souvent été dominé par celui au Sud du Sahara. Pour la simple et bonne raison que ce dernier avait la chance de disposer de club avec des joueurs au talent immense et sans complexe. Ceux-ci ne courant pas les rues de nos jours, il est pratiquement difficile, au moment qu’on est, qu’un club camerounais se paye la tête d’un rival nord-africain. La finale de la 2é édition du “ Chan ” a opposé le 27 février dernier à Ondourman, au Soudan la Tunisie à l’Angola. Les Tunisiens ont dominé leurs rivaux (3-0), confirmant ainsi l’hégémonie au plan africain, des clubs maghrébins.
L’élimination en quarts de finale du chan des Lions A’ ainsi que la déculotée des astres de Douala face au club gabonais Us Btaux en coupe de la Caf , ne peut que traduire le niveau réel de la compétition (Mtn elite one) nationale. Et donc la nécessité d’une profonde réorganisation si l’on veut nourrir des ambitions légitimes dans cette compétition. Si le Chan n’existait, il aurait fallu qu’on l’inventât.
L’entre-Jeu
Par Germain Koumyo Ekwè(Le Messager)