vendredi 10 juin 2011
Mon fils, je voudrais te dire que j’ai reçu ta lettre. Elle me parvient à un très mauvais moment. Les Lions Indomptables venaient de rater un penalty face aux lions de la Teranga. A qui la faute ? Samuel Milla ou Roger Eto’o ? Je n’en sais rien. Avec ma mémoire qui part en digue-digue, il est possible que mon jugement soit erroné à cause du poids de l’âge.
Et puis si j’évoque Roger Milla (voila ma mémoire revient) ou Samuel Eto’o, c’est tout simplement parce qu’ils constituent les deux faces d’une même médaille, avec des itinéraires différents. Le premier a commencé par marquer des buts fantastiques avant de dire des conneries plus tard. Le second fait les deux à la fois. Il marque aussi bien les buts qu’il dit tout et n’importe quoi.
Tu sais, Roger je le connais depuis l’enfance. Nous étions ensemble à l’école principale de Nkongmondo. Je peux t’assurer que ce gars est né talentueux. A l’école, s’il driblait plus souvent qu’à son tour les cours de monsieur Pemha, il nous attendait à la sortie, pour nous dribler balle au pied lors des parties improvisées de football sur les terrains vagues de Bali.
C’est pourquoi je l’avais pris en amitié. Notre attelage tenait bien. Reporter improvisé, je savais mousser le gars : « voici Milla qui prend la balle, regarde la position de ses joueurs. Milla drible un, deux, trois, quatre, cinq joueurs de Botafogo. Milla vient aussi de dribler le goal et but ! »
Son destin était tout tracé. Pour avoir négligé « Mamadou et Bineta », notre livre de lecture de l’époque, il sera le goléador de légende qu’il est devenu aujourd’hui. Il lui faut seulement se taire pour être en plus un charmant garçon, sauvé des eaux par le président qui en fera un officier de réserve, avant d’être abandonné dans les placards de l’oubli où…Jacques Chirac, en route pour Yaoundé, l’a récupéré pour le ramener dans sa terre natale.
Eto’o, je sais de lui ce que disent les gazettes : une courte enfance, une escapade footballistique manquée, un retour et un autre départ suivi de l’explosion de l’enfant terrible, aujourd’hui riche, hier adulé et aujourd’hui honni.
Pourquoi ? Je n’en sais rien, mon fils. Comme tu le dis-toi même dans ta lettre : tu « wanda ». Tout ce que je peux te dire, c’est que ceux qui on prit la grave décision de nommer Eto’o capitaine des Lions Indomptables lui ont fait plus de mal que de bien.
Le gars sait taper au ballon. Il connait mieux que quiconque le chemin des buts. Il marque à volonté et nous donne la joie et l’honneur de l’admirer sur les stades du monde. Mais capitaine des Lions Indomptables, c’est une autre paire de manche. Il faut un meneur d’hommes, un esprit élevé, une nature calme et posée. Ce n’est pas ce qui manque dans notre équipe nationale, à l’instar de l’impérial Emmanuel Mvé de la belle époque, du talentueux Abega Théophile, du majestueux Thomas Nkono ou du charismatique Song Bahanag qui plus de dix ans, a managé ses co-équipiers sans faire des vagues.
C’était des grands capitaines. Ils avaient à leurs cotés des grands joueurs et des buteurs comme Mbete Isaac, Jean Pierre Tokoto, Roger Milla, Patrick Mboma, Omam Biyick et j’en passe. Le Capitaine était respecté. Les joueurs étaient disciplinés. La victoire était au bout de l’effort collectif.
Tout ce que je peux te dire fils, c’est que Eto’o aurait gagné à marquer ses buts, sans en plus porter la lourde charge de meneur d’hommes. Cela fait trop de souci pour le pôvre garçon de New-bell devenu riche trop vite, trop tôt, et que le pouvoir va perdre.
Faut-il pour autant tirer sur l’artiste ? Le mal n’est-il pas ailleurs ? Même Cavalier "Yéyé" Djibril a récemment déclaré qu’il nous faut un Président de Fédération plus disponible.
Même après avoir résolu le Problème Eto’o, Song, Milla,et consorts...ce ne sera pas le calme dans la tanière...Il faut une fédération et un ministère qui soient mobilisés pour les résultats et non pour le gombo et la tribu. Un entraîneur qui ne soit pas un "touriste". Un coup de balai s’impose donc face à tous ces dribleurs de la Fecafoot.
Au fait, comment vont tes études ? Tu sais, le foot n’est pas tout dans la vie. C’est pourquoi petit, je te prie d’étudier et de passer tes diplômes. Certes, tu es un bon footballeur. Ta mère me l’a dit, qui rêve de te voir devenir une star planétaire, afin que ton succès et ta gloire rejaillissent sur elle. Mais malgré tout ton talent, je préfère que tu sois un Bell Joseph Antoine plutôt qu’un Roger Milla ou un Samuel Eto’o. je préfère te voir bouillir ta marmite, avec ton salaire d’ingénieur ou d’architecte, que d’être porté aux nues pour un exploit passager, avant d’être jeté aux orties pour une sortie ratée.
Fils, mon seul espoir, le bois que je rassemble pour me réchauffer durant ma traversée de la vieillesse, je voulais aussi te dire autre chose. Quand tu m’écris, évite d’utiliser les caractères grecs ou russes. A notre époque, cela n’existait pas. Monsieur Pemha nous apprenait l’écriture, composé de pleins et de déliés. Ma compétence s’arrête la !
En passant, je n’ai pas compris le moindre mot de ta dernière lettre. Que veux tu dire par : « mon mbindi va toujours o Kwat toum mon ndamba kan g-ne s8 pas là. Mais g-vé rekame en vacance et il va me sentir. Il ème les njoh basket, mais kand il a ses do, il poum au begnetariat au lieu de buy sa part. Je wanda qu’il veut devenir Eto’o mè ne go pas jouer le ndamba. Il passe son temps à faire la tchatche aux go ! »
C’est quel patois non, gars ? C’est du Mbo ou du Bakaka ? Vous a-t-on ajouté au programme une langue étrangère en plus du français, de l’anglais, de l’allemand, du chinois et de l’espagnol ? Ta langue là que tu sembles mieux maitriser que les autres s’appelle comment ? Si on te donne 20/20 sur ça, tu auras ton bac, petit ?
Avec mention ?
Bon vendredi et à vendredi