vendredi 23 septembre 2011
C’est demain samedi, 24 septembre que commence la campagne pour la présidentielle du 9 octobre. Même si certains ont démarré la leur insidieusement mais visiblement une semaine à l’avance. Tour de ville et grandes affiches aux points stratégiques de Yaoundé pour l’un pendant qu’un autre challenger tient « officieusement » un meeting pourtant populaire à un lieu non moins populaire à Douala. Et si c’était une violation de la loi. Il appartient aux autres challengers d’apprécier et de réagir… légalement.
Le petit peuple ne s’embarrasse pas lui de ces considérations, et se pourlèche les babines. Des sacs de riz, des boîtes de sardines, du sel, du savon, du poisson congelé, de la bière feront partie des caravanes hétéroclites qui vont sillonner le pays sur des pistes boueuses et poussiéreuses pour prêcher la bonne parole des lendemains meilleurs.
Depuis l’instauration du parti unique au Cameroun, le choix des électeurs est dicté soit par l’appartenance tribale soit par le volume de la corruption. Si on n’élit pas le « frère du village », le choix est plutôt favorable à celui qui « parle bien ». Au Cameroun, c’est celui qui « banque » ou « arrose ». Quand il peut faire les deux à la fois, le peuple ne peut que dire : Amen ! Au diable le projet de société. On ne le mange pas, on ne le boit pas, ce n’est qu’un hypothétique projet. « L’homme ne meurt qu’avec ce qu’il a dans son ventre » rétorquent les jouisseurs . On est même disposé, voire déterminé à voter plusieurs fois pour le candidat qui propose 2000, 3000, 5000 francs aux porteurs de cartes d’identité multiples, pour ce faire et à ceux qui s’inscrivent dans les charters électoraux. Les sanctions pénales ? On n’en a cure. Comme dans les reportages de la télé et de la radio, c’est l’instantanéité qui compte.
Ce n’est pas du « salaka » comme on s’évertue à expliquer souvent. C’est la corruption. De la corruption à ciel ouvert. De la corruption institutionnalisée. Et ceux qui se livrent à ces pratiques doivent être sévèrement sanctionnés.
Toutefois, les facéties que nous venons de citer sont souvent assorties de promesses mirobolantes rarement concrétisées. Puisque les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient. Pas forcément ceux qui les font. Les plus forts dans ces pratiques sont naturellement ceux qui disposent de grands moyens, les moyens de l’Etat. On en a déjà vu le déploiement tous azimuts les 15 et 16 septembre dernier au Palais des congrès à Yaoundé avec la noria des véhicules administratifs alimentés par les bons d’essence dont l’origine est connue de tous. Et ce n’est pas finit. Un vaste « njangi » est en cours au Rdpc depuis quelques semaines. Cadres de tout bord, élus, opérateurs économiques cassent leur tirelire pour financer la campagne du candidat qu’ils ont « souhaité ». Les ruisseaux qui coulent vers les rivières et les fleuves et ceux-ci vers l’océan. Naturel, non ?
Ce sont aussi les mêmes qui doivent trouver l’argent qui servira à organiser des fêtes foraines et offrir des victuailles à ces villageois qui ne les voient que le temps d’une élection. D’où tirent donc leur argent, ces commis de l’Etat qui mettent des millions dans la campagne de leur champion ? Si ce n’est les sous de la prévarication ? On sait ce que cela coûte déjà à la plupart d’entre eux. Ils croupissent actuellement à New-Bell, à Kondengui et dans certains Qg de gendarmerie. Mais on va faire comment ? Qui ne risque rien n’a rien.
Force est de constater que le parti unique, parti-Etat, a dévoyé la vie politique au Cameroun. Dans les années 50, les Camerounais faisaient des contributions spontanées et volontaires pour financer le déplacement des partis administratifs : Uc, Unc puis Rdpc, les militants ne cotisent plus. Bien au contraire c’est le parti qui les prend en charge avec l’argent du contribuable et la « générosité » des « personnes ressources » recrutées forcément parmi les directeurs généraux des sociétés d’Etat et les opérateurs économiques. Ce sont eux qui participent financièrement à l’animation du parti. Les militants ou ceux qui se présentent comme tels attendent tout des hiérarques du parti, jusqu’à la tenue et autres gadget. Voire des subsides pour survivre au quotidien. Hérésie ! Mais on va faire comment ? C’est le pays !
Après l’élection dont on connaît déjà le résultat, suivra une redistribution nationale des cartes. Il faut bien figurer parmi les donateurs, Sinon, on sera écarté de la mangeoire. Mais sait-on jamais ? Il y en a qui ont bien « financé » la tenue du congrès dans l’espoir ou avec la promesse ferme d’entrer au Comité central, voire au bureau politique, mais sont rentrés de Yaoundé penauds, bredouilles comme des chiens battus ou des poules mouillées. Et dire que par la force des choses, ils doivent encore chercher et trouver des sous pour la campagne, c’est comme la prémaline à croquer et à avaler sans eau. Ah ! la politique. On dit bien que même si tu ne la fais pas, elle te fait. C’est vraiment fort !
Mais avec l’opération épervier il faut bien faire attention car du haut de la tribune du congrès, le président-candidat a lancé un avertissement solennel : « la lutte contre la corruption va s’intensifier… » Ce ne sont pas des paroles en l’air, quand on sait que Paul Biya est rentré récemment de Chine où une dizaine d’hommes d’affaires et de responsables du Parti communiste ont été condamnés à mort et … exécutés pour corruption, le bon élève de Mittérand peut aussi être le docile disciple de Hu Jintao.
C’est que, ceux qui feront la campagne doivent savoir c’est que les dons en nature ou en espèces aux électeurs est une corruption notoire. Encore que dans un pays sérieux, il faudra établir la traçabilité des fonds que les uns et les autres veulent mettre à la disposition du ou des candidats. On raconte souvent que les ressources financières du Rdpc proviennent des cotisations de ses membres et élus auxquelles il faut ajouter le milliard octroyé légalement par l’Etat. Pourquoi alors cette arnaque sous la forme du « njangi » dont les membres et les partisans se frottent mutuellement le dos ?
Par Jacques Doo Bell