vendredi 25 février 2011
La Fédération libre des imbéciles à casquette est une association à but lucratif dont les principaux pourvoyeurs de fonds étaient dans l’ordre : les taximen, les justiciables, le “ tapé-tapé ” et le Pmuc.
Mais depuis quelques temps, le ciel semble être tombé sur la tête de ce club très fermé qui semblait pourtant intouchable. Leur nouveau chef, nourri aux vertus démocratiques et des libertés publiques apprises depuis son long exil diplomatique, est revenu au pays pour prendre la tête de la Fédération.
Il a donc mis ses membres au pas : plus de contrôles routiers, plus d’arnaques diverses. Du coup, les sources de financement de l’association ont tari, réduisant de beaucoup la fréquentation des casinos et des courses de chevaux dont ils raffolent, grâce à l’argent facile.
“ La Tanche rebutée il trouva du goujon ”, écrivait il y a quelques siècles le fabuliste Jean de la Fontaine. Faute de contrôles routiers, certains membres de la Fédé semblent donc avoir trouvé leur exutoire dans… la salle de rédaction du journal Le Messager.
En effet, pratiquement en transe lorsqu’ils reçoivent l’ordre “ d’exploiter ” un plumitif, comme ils nous appellent, certains membres de l’association abhorrent les journalistes. Ils ont donc mis au point des méthodes “ subtiles ” pour apprendre à ces écrivaillons comment se tenir en société.
Je me souviens encore de mon ancien confrère Bounougou. Ce gars avait écrit un papier peu tendre sur Denis Ekani, le très nerveux ex-ministre de la police. Fou de rage, le super flic le fit arrêter pour qu’il avoue un soi disant complot bamiléké contre le régime. Au lieu de le soumettre à la bastonnade de rigueur, ses collaborateurs le jetèrent dans une cellule occupée par des braqueurs, en faisant croire qu’il s’agissait du redoutable Essono, un bandit de grand chemin, spécialiste des évasions qui défraya la chronique à une certaine époque.
Les braqueurs accueillirent donc mon confrère avec les honneurs dûs à son rang de capo. Ils exigèrent de lui le secret de ses évasions multiples. L’ami Boufaf avait beau juré qu’il n’était pas le dangereux Essono, personne ne crut. Il y avait dans la cellule, un braqueur assoiffé de sang à qui l’on donnait par semaine un coq vivant dont il tranchait la gorge avec ses dents pour boire le précieux liquide rouge. (Si je mens, demandez au commandant Bamkoui ; je crois qu’il est déjà libre). Ce vampire s’intéressa particulièrement au cou charnu du journaliste dont les cris glaçaient d’effroi ses co-détenus.
Toujours dans la même cellule, il y avait un violeur qui aimait particulièrement les “ belles ” garçons. Et vous pouvez vérifier. Bounougou était beau comme un dieu païen. Le braqueur-violeur entreprit, dans le noir de la cellule, de l’initier aux techniques de la sodomie. Le journaliste avait perdu le sommeil, veillant sur son cou et son derrière. Au point où lorsque trois jours plus tard on le sortit de la cellule pour interrogatoire, il était prêt à avouer tous les péchés d’Israël.
– Oui, disait-il aux enquêteurs en pleurnichant. J’ai tué ma mère et mangé ses testicules. Oui chef, les Bamiléké m’ont payé pour écrire contre le Délégué à la sûreté…
Voilà comment un brillant journaliste promis à un bel avenir professionnel a depuis changé de métier. Il a rejoint Manga Onguené et ne s’occupe plus que de foot dans le cadre du projet ‘Goal’. Un jour où je lui demandais de reprendre la plume, il me répondit avec beaucoup de gentillesse : “ ta mère pond les yeux de canard ! ”.
J’ai compris…
Aujourd’hui où mes collègues Honoré Foimoukom et B-P. Dassié sont la cible de la police, je me demande s’ils survivraient à un tel harcèlement. Prenons Honoré, notre coordonnateur de la rédaction et chef d’édition. Le pauvre vient juste de faire des jumeaux. A peine aspirait-il au repos après un tel exploit qu’à tous les coups, il est convoqué par la police qui lui demande pourquoi il a choisi de travailler au Messager. Mais est-ce un délit d’être jeune et talentueux au service de la vérité ? Voici donc notre coordonnateur et chef d’édition qui passe des nuits blanches à lire et à relire tous les articles qu’il a écrits depuis la maternelle, histoire de voir dans quelle fourmilière il a mis involontairement les pieds.
Les “ Mbéré ” ont prétendu que sur ordre du procureur de la République, Honoré Foimoukom doit dévoiler ses fréquentations et ses sources d’informations. Le soldat de la plume a certes évoqué le secret professionnel, mais il lui a été dit de se tenir à la disposition de la police à tout moment…
Et voici que Blaise Pascal Dassié, reporter au Messager est aussi dans l’œil du cyclone. Est-ce par homonymie ? Je me souviens qu’un autre Blaise Pascal, patron de jeune Afrique Economie, fut embastillé un jour à Bafoussam pour…tentative de coup d’Etat. Denis Ekani en personne, le même que dans l’affaire Bounougou, descendit par hélicoptère dans la capitale de l’Ouest pour embarquer le dangereux putschiste, qui n’avait pour seule arme qu’un stylo rebaptisé pour les besoins de la causes : “ arme de guerre ”.
Est-ce pour les mêmes raisons que la police s’intéresse aujourd’hui à Dassié ? Aurait-il, dans le cadre de ses reportages sur les mangroves de Youpwe, porté atteinte à la sûreté de l’Etat ? Encore qu’avec son sourire narquois et sa timidité apparente, il peut bien cacher son jeu…
La rédaction de Le Messager est donc aux abois. A qui le tour ? Aucune inquiétude pour moi. Je suis déjà passé par là depuis des temps immémoriaux et je porte mes stigmates comme un général brandit ses blessures de guerre. Mais en cette période de transition politique non déclarée, le risque est grand de se retrouver dans un car de police (Montez-sans-payer, en français facile), et de passer par Kondengui pour une virgule de trop, ou de moins.
Sachez donc que le seul antidote contre la morsure des matraques, c’est…Jésus Christ. On peut tout reprocher à ce gars là qui a voulu changer le monde par la parole, mais son nom a une telle puissance que pour peu que vous ayez la foi, même lorsque vos noyaux sont branchés sur 22 volts dans le secret d’une cellule, dites simplement, “ Seigneur ! Je me dissous dans ta gloire ”. Au mieux, vous ne sentirez aucune douleur. Au pire, vous irez au…paradis.
Ce qui est tout de même un comble pour ces gratte-papiers “ qui veulent déstabiliser les institutions républicaines et celui qui les incarnent si heureusement, le chef de l’Etat, président de la République, chef du gouvernement ”.
Bon vendredi et à vendredi