Ces journalistes qui dérangent.

C’est un vœu pieux ou une démarche démagogique que d’affirmer qu’un fonctionnaire haut placé doit, pour sa légitimité, être au-dessus de tout soupçon. Nul n’est parfait et la personne qui prétend le contraire sait parfaitement bien que l’idéal n’existe pas. Mais ce qui difficile à accepter chez un responsable de haut rang c’est un mauvais rapport avec la vérité, l’incapacité de répondre devant les critiques en assumant ses erreurs. Ces jours derniers nous ont fourni l’exemple d’une ministre française déstabilisée par l’attaque de l’opposition au sujet de ses vacances en Tunisie. Pourtant l’attaque était parfaitement prévisible, quasi rituelle. Quand un responsable se trouve en difficulté, l’opposition demande sa démission, c’est son principe. Pourquoi ne pas lui voler la vedette en révélant la vérité, laquelle, bien souvent, ne contient rien d’illégal ? Par contre, il est absolument contreproductif d’invoquer les insinuations, et les accusations de la part des médias : leur fonction est justement de déranger, de chercher des défauts. Et puis ils savent toujours plus qu’on ne le croit. C’est pourquoi lorsqu’un autre personnage de la scène médiatique de ces derniers jours, à savoir l’ambassadeur nouvellement nommé pour représenter la France s’emporte contre les journalistes du pays où il vient d’arriver en qualifiant leurs questions de « débiles » ou de « n’importe quoi », il se présente désarmé et incapable de « créer des solutions », comme il le prétend. Le monde observe une scène qui normalement n’aurait pas dû avoir lieu. Déjà, les questions étaient prévisibles. Puis c’est le métier du diplomate que d’être conciliant. Et enfin, tout interlocuteur est censé d’être respecté. Pourquoi donc un tel résultat ?

Je crois que le vrai problème qui se dessine dans cette situation, et bien d’autres encore, engage moins les personnes concrètes que le système qui le rend possible. C’est un système bien enraciné où les responsables sont désignés sans tenir compte de l’ensemble de leurs compétences et, ensuite, mutés avec une facilité surprenante toute leur vie durant. On pense souvent que la notion de la nomenklatura renvoie aux privilégiés que détournaient et accaparaient à leur profit les notables du PCUS. Pourtant, pour être précis, il s’agit essentiellement d’appartenance de ces notables à une caste d’infaillibles, censés être efficaces partout et en tout temps. Leur efficacité réelle comptait peu. Nul besoin de chercher longtemps pour voir que le mécanisme n’est pas mort. Il se reproduit ça et là en précipitant des difficultés et des conflits. Pourquoi alors s’étonner que les journalistes dérangent ?

Par Anton Nikosky